jeudi 11 décembre 2014

Méditation quantique (6)


En avant-garde bientôt triomphante, l’homme quantique, cousin germain de l’homo sapiens, ne fait plus bande à part, ni feu de tout bois, ce pionnier ne rêve que de s’établir à son compte, unique particule de son Nouveau Monde, la plus autonome. Il s’y apprête avec ardeur, piaffe, s’arme, s’outille, s’avitaille, guette le jour du grand départ qui ne s’improvise pas. Il n’aura pas d’amarres à larguer, pas de foc à tendre, pas de coque à calfeutrer, pas de vaisseaux à brûler : sans badge, homo quanticus prend déjà le large, croise en pirate, surfe en souverain furtif, dédaignant passes, ports, axes, havres et magistrats, narguant les terriens, les portiques, les banlieues, les libraires, toutes espèces de surface fixe et foncière promises à disparition. À son hardware de télé-conquérant bientôt vainqueur de tous empires à sa botte ingénieuse ne manque ni
l’écran
son jeu préféré, preux bouclier et nappe infaillible, paravent light et savant camouflage – bulle de verre, de plexiglas ou d’azote liquide, peau et film des clips caressés de lasers, rideau, panneau, appât des addictions, transparence des geôles du rêve téléchargé, nasse et filet, radar, faisceau, écho d’écho d’échos, casque et crâne d’internaute enfin soudés, armure à pointure d’ongle incarné, heaume de silicone plus beau qu’un genou de résine, capteur captif capteur subtil, piège loyal, filtre en gorge profonde, vitrail incolore des spectres insatiables, angle vitreux des focales et des panoptiques, inerte fond d’œil des vidéogrammes, cristal cran d’arrêt des crash, des flux, des flash
ni
l’antenne
son organe royal, sa crosse précieuse, sa quille vectrice, sceptre émetteur et récepteur, svelte agent double, colonne sympathique et cinquième, cheveu d’ange ou corde sans chanvre, clou de glu, môle des ondes, fil ou quartz ou palpe ou dague d’éther, tige ou archet des rumeurs qui fourmillent, mince cartilage impassible, planque ou torpille en affût, terne diadème s’effilant sans foudre, hordes et foules encordées, effusions sans transes ni pentecôte, radio-palabres des pipelets, canal où jacasser tout seul, nickel beuglant, mât d’urgence, cordon des naufrages, Save Our Souls, réticule magnétique, perchman irréfléchi, glaneur acoustique, neurone capital, dôme hertzien, fin filin enclouant tous radotages d’œil et d’ouïe, dard des bits, seuil des signes, tact des piles, vestige d’étoile demain morte
ni
le scan
page hors sol, livre informe, torve pupille, morne automate sous le ciel de Saturne, trace morte et vomie, universelle solarisation, ralenti d’irradiations soufflées par spasmes, silencieux crépitement des voyages lunaires, des lumières froides, des soleils noirs, des mausolées d’archives, des mémoires saturées, des cellules vitrifiées, des photons espions exténués qu’on assoiffe d’obscurité, ruse électronique, cruauté électrique, invasion des spectres de la chair et du verbe, hérésies de la lumière dépossédée de son ombre, de l’œil privé de sa paupière, de ma voix éperdue de silence, armes virales d’incendiaires numériques, flambeaux et réseaux de l’insanité connectique, peste souriante et transgénique du pixel, suaire et transfert entropique, pipe-line et peep-show intersidéral, cloaque, panique de la Communication incarcérée par ses élites enjôlées même
J.-L. Evard

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