mardi 31 décembre 2013

Flavius an II


À ses lecteurs, Flavius, à l’occasion du Nouvel An qu’il leur souhaite aussi propice que possible, offre un objet, une perle de pensée pour les accompagner dans les prochaines intempéries – une idée précise, un exercice de respiration pour tenir le cap et le pont entre ce qui fut et ce qui vient. Par hommage à un grand précurseur, cette perle brille d’orner notre thèse de la transformation actuelle de l’étendue géopolitique en une succession d’accélérations exponentielles. L’Occident, dit Denis de Rougemont, n’est pas un lieu ou un espace, pas un domaine ou un continent, mais une dynamique, une durée, une relance :

« […] « L’Occidental est l’homme qui va toujours plus loin, au-delà des conditions données par la nature, au-delà des traditions fixées par les ancêtres, au-delà de lui-même enfin, – à l’aventure ! Transcendant son destin, et même ses intérêts, au nom d’une vocation universelle. Abraham, “le père des croyants”, était parti sans savoir où il allait, parce que son Dieu, sa vérité la plus intime, lui disait de marcher vers l’inconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savoir où il allait, et ce qu’il cherchait : il avait calculé qu’il y serait en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il trouva les Antilles au lieu de Xipango […] Préférer la poursuite passionnée de vérités partielles, advienne que pourra, – préférer le risque créateur à la méditation prudente d’une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du monde, s’oppose le plus radicalement au génie de l’Orient métaphysique » (extrait d’un essai datant de 1962, « Les chances de l’Europe »).

L’aventure, et l’Occidental comme aventurier ? Mais ce mot a d’abord un sens premier : ce qui vient, l’avenir. L’aventure, c’est ce qui nous advient, ce que nous faisons nous advenir quand nous nous levons et marchons. L’aventure nomme notre condition anthropologique même : elle nous vertèbre, nous ne vivons qu’en marchant, nous ne marchons qu’en nous aventurant. Et nous ne pensons pas autrement.

J.-L. Evard, 31 décembre 2013


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